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Petit
bestiaire des joueurs de Britannia
En
bon jeu de stratégie avec des dés, (les mauvaises
langues diraient jeu de dés avec de la stratégie),
Britannia met rudement à l'épreuve les nerfs de
ses belligérants. Dans ce club très mondain, tout
le monde n'aborde pas la bonne ou la mauvaise fortune avec le
même détachement. Passons en revue quelques uns
des caractères que l'on rencontre typiquement autour d'une
table :
Le
ricaneur : aussi appelé
hyène rieuse. D'un abord assez sympathique, ce joueur
a l'agaçante (y compris pour lui-même) manie de
titiller les autres sur chaque décision qu'ils devront
prendre. En cas de choix prudent, il dissertera en largeur sur
la petitesse de leurs mouvements. Lors d'un choix audacieux,
il ne manquera pas de remuer le couteau dans la plaie que les
dés voudront bien ouvrir. Manque de bol, son attitude
finit souvent par se retourner contre lui, lorsque les autres
joueurs perdent patience et décide de clore le bec à
l'importun par tous les moyens à leur disposition.
Comment jouer avec lui : rappelez-vous,
ça n'est qu'un jeu.« Cause toujours, tu m'intéresses
». Faute de public, le bavard ne jacassera pas très
longtemps.
Le
monorail : aussi appelé
berseck. Très manichéen (le bien, le mal !) dans
sa vision du jeu, ce joueur n'a aucun sens de l'équilibre
d'une partie et considère que ses alliés doivent
le rester tout au long de celle-ci. Il ne fait pas la distinction
entre les peuples et considère une couleur dans son ensemble
comme « amie » ou « ennemie ». En cas
de trahison (n'importe quelle attaque fait l'affaire), il se
transforme en un monstre froid dont votre éradication
devient le seul objectif.
Il se décline en deux sous
catégories, en fonction de sa période de gestation.
Le monorail à cycle long, qui gardera son sang froid les
trois quarts d'une partie, jusqu'au pétage de plomb tant
attendu. Le monorail à cycle court ou berseck qui
tapera systématiquement sur le dernier joueur à
l'avoir attaqué. Comment jouer avec lui : très
dangereux ! La meilleure solution est généralement
de l'attaquer dès le début, directement : là,
il ne vous en voudra pas. Vous pouvez aussi essayer un truc marrant
: vous mettre d'accord avec les deux autres joueurs pour rester
ses alliés pendant quelques tours puis tous le trahir
exactement au même moment et le plus violemment possible
histoire de voir s'il implose ou s'il explose.
Le
chouineur : aussi appelé
pleurnicheur. Le pauvre petit chou est accablé de tous
les malheurs du monde. On lui en veut, on l'attaque, on le spolie,
on l'a tapé toute la partie. Il y a deux sortes de pleurnicheurs
: ceux qui font pitié et que l'on finit par laisser tranquille
une fois (erreur fatale) et ceux qui font vraiment pitié
et que l'on a plaisir à enfoncer encore plus pour leur
clouer le bec (mais malheureusement ça ne marche pas).
Comment jouer avec lui : surtout
n'essayez pas de le raisonner il saura toujours vous démontrer
la justesse de ses vues. Par contre, si vous avez des côtés
ricaneurs n'hésitez pas à faire remarquer à
haute voix tous ses combats heureux et tout avantage qu'il pourrait
obtenir, ça l'horripile.
Le
grabeur : aussi appelé
gagne-petit. Chez ce type de joueurs, il n'y a en général
que la chance qui arrive à la hauteur de leur étroitesse
de vue. Il est facile à reconnaître : il a toujours
le nez collé dans sa fiche de points et jamais dans les
vôtres. Malheureusement, il n'est pas très fort
en maths et il préférera toujours assurer avec
ses 5 armées ses 4 points au York plutôt que de
s'étaler en 5 régions différentes pour prendre
5 fois 2 points. Mais ne lui répétez pas ... Il
a la très fâcheuse et pénible tendance de
jouer pour la deuxième place (évidemment, pour
gagner il faut savoir sacrifier des points, vous ne le saviez
pas ?), ce qui est un comportement idéal pour rendre une
partie soporifique et déséquilibrée au possible.
Comment jouer avec lui : surtout
ne lui donnez pas le mauve. Regardez sa fiche de points et arrangez
vous pour vous trouver ailleurs que sur les siens, ou, si vous
voulez sauver des pions en période d'orage cachez les
en lui laissant des leurres à manger histoire de lui mettre
une belle et bien propre claque en retour.
Le
professeur : aussi
appelé schtroumpf à lunettes, Il a tout vu,
tout fait. Il connaît toutes les ouvertures, toutes les
fermetures, toutes les options. Son cerveau ordinateur lui permet
de calculer à tout instant les probabilités de
chaque dé et son don de double vue lui permet de prédire
de manière infaillible les conséquences de vos
décisions. Le seul problème, c'est qu'en général
il tombe complètement à côté de la
plaque et ses remarques deviennent vite pénibles, surtout
pour un joueur moins expérimenté qui impressionné
par "l'aura" de l'ancien aura suivi aveuglement les
conseils pipeau qui lui auront été dispensés
toute la partie.
Comment jouer avec lui : laissez-le
aller à sa logique et essayez de ne pas rire trop fort.
N'oublier pas de rassurer périodiquement le débutant
qui pourrait avoir une vision bien faussée du jeu.
Le
malchanceux : aussi
appelé philosophe. Certainement le joueur le plus agréable
du circuit puisqu'il se fait un plaisir de systématiquement
rater tous les jets de dés importants. Ne vous inquiétez
pas de son 6 contre 3 au York, après 5 pertes il se retraitera,
tout romain qu'il soit.
Comment jouer avec lui : essayez
juste de lui rendre la partie la moins longue et la plus agréable
possible pour qu'il accepte de rejouer avec vous.
Le
discret : aussi appelé
l'ambitieux (peut-être par dérision ?) Petit joueur
restera petit. Non c'est méchant, parce qu'il n'est vraiment
pas désagréable à jouer non plus ce joueur-là.
Effrayé par toute initiative, il n'osera jamais sortir
de sa tanière ou marcher sur vos plates-bandes. Il s'excusera
toujours avant de vous attaquer, et quoi qu'il en soit ne quittera
jamais ses frontières naturelles. On le rencontre rarement
à moins de 3 en plaine et 2 en montagne. En fait, si ça
ne tenait qu'à lui il concentrerait tout ses pions en
une unique pile en Hebrides ou Cornwall, des coins tranquilles
en somme.
Comment jouer avec lui : attention,
le vert lui réussit très bien. Enfin, jusqu'à
l'arrivée du danois bien sûr. Ne le provoquez pas tout
de même, parce que je me demande ce que peut bien donner
une colère si longtemps contenue. Vous croyez qu'il s'ennuie
? Attention aux simulateurs : certains sont des faux discrets,
et ne font qu'attendre leur heure.
L'indécis
: aussi appelé
girouette. A ne surtout pas mettre à côté
de bavards. Il a la fâcheuse tendance de changer ses mouvements
une quinzaine de fois en voyant la réaction de chacun
à son premier jet. Alors, la partie devient une foire
d'empoigne où l'objectif devient de prendre le contrôle
pour au moins un tour de mouvement de l'indécis.
Comment jouer avec lui : ne quittez
pas la table plus de 30 secondes, même pour une pause clope
ou vidanger votre vessie. Vous pouvez être sur qu'à
votre retour, les autres joueurs l'auront persuadé de
lancer toutes ses unités en croisade contre vos peuples.
Alors,
vous vous êtes reconnu ? Vous seriez probablement surpris
de savoir dans quelle catégorie les autres joueurs vous
classent. D'ailleurs rien n'interdit d'appartenir à plusieurs
catégories différentes (j'en ai présentées
plusieurs en connaissance de cause) et la liste donnée
ici n'est pas exhaustive.
Yann Clouet
Février 1999
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